Mardi Saint

Quel coup de théâtre ! « En vérité, en vérité, je vous le dis : l’un d’entre vous va me livrer ». Jésus a été bien clair, l’un des Douze a choisi de servir l’Ennemi… Les disciples se regardent les uns les autres, prenant conscience de leurs propres faiblesses. « Seigneur, qui est-ce ? », autrement dit : cela peut être n’importe lequel d’entre nous, il n’y a pas de moyen de le savoir, car nous sommes tous faibles.

Chacun réagit à sa façon. A cette annonce, saint Jean, assis près de Jésus, se réfugie dans le Cœur de son Seigneur, comme le Verbe est caché dans le cœur du Père. Pierre, lui, veut un nom. A-t-il si peur de devoir se reconnaître dans la Parole de Jésus ? En tous cas, il a suffisamment cheminé avec le Seigneur pour être capable de ne point éprouver de haine contre le coupable, puisque Jésus accepte de le désigner.

Et Jésus de tendre la bouche à Judas. Ce signe était réservé aux hôtes de prestige, il était un geste d’alliance. Mais Judas s’est déjà enfermé dans le silence, il n’est plus en relation avec la Parole et a fait le choix des ténèbres. Il retourne la bouchée du pain de vie en condamnation pour lui et sort, s’enfonçant dans la nuit.

Dramatique exemple de trahison, la pire qui soit, exécutée le soir même où Jésus lave les pieds de ses disciples et institue l’eucharistie ! Mais cet exemple ne doit pas occulter que Jésus maîtrise souverainement le cours des événements : « ce que tu as à faire, fais-le vite ! ». Son cœur brûle d’un désir ardent, d’une hâte d’en finir avec l’Ennemi du genre humain. Il est venu pour notre salut, il est temps de le célébrer. Voici enfin « l’heure ».

Jésus livre alors explicitement son testament spirituel. « Comme je vous ai aimés, vous devez vous aimer les uns le autres ». Les termes sont clairs. Il s’agit d’ « un commandement nouveau », d’un ordre à réaliser. Et donc d’une excellente nouvelle, pour nous qui sommes si peu capables d’aimer, même humainement.

En effet, à l’heure où Jésus se livre jusqu’au bout de l’amour, à l’heure où il institue le sacrement de l’amour, dans la nuit où l’un de ses plus proches amis le trahit, le Seigneur nous rend capables d’aimer. Le souvenir de ces événements nourrit désormais notre espérance. Devant nos propres trahisons, il n’est plus question de s’enfermer dans une logique de silence et de rupture de relation : l’accueil du commandement du Seigneur nous rend capables de le vivre. Dieu donne ce qu’il ordonne. Voici rendu possible que tout homme aime comme Dieu lui-même et donne sa vie par amour !

Au-delà du voile de ténèbres et de violences, puissions-nous aborder ces jours de la Passion dans la douceur de l’amour dont Dieu nous a rendus capables et dans l’empressement que Jésus manifeste lui-même à voir tous ses frères entrer dans l’Alliance Nouvelle.