La première lecture de la liturgie de ce jour, est de prime abord déconcertante. La vision de la femme gémissant dans les douleurs de l’enfantement, et confrontée avec le dragon qui attend pour dévorer son enfant dès sa naissance, ne cadre pas vraiment avec l’image que nous nous faisons spontanément de la Vierge Marie. Il ne faut cependant pas perdre de vue que le « signe » de la Femme désigne avant tout l’Eglise ; quant au Dragon, il représente le pouvoir oppresseur et persécuteur qui sévissait au moment de la rédaction du livre de l’Apocalypse. La vision nous révèle la victoire finale de l’Agneau, qui depuis le matin de Pâque, triomphe non seulement des persécutions qui s’abattent sur la première Eglise, mais de toutes celles que les disciples du Christ ont eu et auront à subir tout au long de l’histoire, car le chrétien digne de ce nom sera toujours un signe de contradiction pour le monde. Présente au cœur de l’Eglise, tout en étant élevée dans la gloire à la droite de son Fils, Marie accompagne ses enfants dans leur périlleux pèlerinage vers la Parousie.
La Femme « mit au monde un fils, un enfant mâle » ; Saint Luc précise : « le Premier-né » (Lc 2,7), c’est-à-dire le Premier-né du Père et le Premier-né d’une multitude de frères (Rm 8,29). Or Marie est la première de cette multitude à être entrée à la suite de son Fils, dans la plénitude de la gloire que le Père réserve à ses enfants. Il fallait en effet, médite Jean-Paul II, que « celle qui était la Mère du Ressuscité, fût la première parmi les hommes à participer à la plénitude puissante de sa Résurrection. Il fallait que celle, en qui le Fils de Dieu, auteur de la victoire sur le péché et sur la mort, est venu habiter, fût aussi la première à habiter en Dieu, libre du péché et de la corruption du tombeau : du péché par l’Immaculée Conception ; de la corruption du tombeau, par l’Assomption ».
En contemplant Marie élevée au-dessus des anges, l’histoire humaine tout entière, avec ses lumières et ses ombres, s’ouvre à la perspective de la béatitude éternelle. Si la dure expérience quotidienne nous oblige à prendre conscience que le pèlerinage terrestre est placé sous le signe de l’incertitude et de la lutte, la Vierge élevée dans la gloire du Paradis nous assure que le secours divin ne nous fera jamais défaut.
La même bataille entre les forces de la Lumière et les forces des Ténèbres continue en effet de faire rage : l’Eglise a compté plus de martyrs au cours du XXe s. que tout au long de son histoire. De nos jours, non seulement des chrétiens sont tuées par haine de leur foi, mais tant d’autres payent de leur vie leur solidarité avec les petits, dont ils défendent les intérêts contre toutes formes de puissances oppressives. Les deux règnes dont parle l’Apocalypse continuent à s’affronter : d’une part se tiennent les humbles, les affamés, tous ceux qui, spirituellement sont de la race d’Abraham ; et de l’autre ce sont rassemblés les superbes, les puissants, les riches, les oppresseurs. De ce combat sans merci, l’humble Vierge de Nazareth proclame prophétiquement l’issue dans son Magnificat : « Déployant la force de son bras, le Très-Haut disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ».
Cette victoire définitive de la Lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal, de la vie sur la mort, est anticipée au cœur de l’été par cette solennité de l’Assomption de la Vierge Marie. Oui nous le croyons : bientôt, très bientôt, « tout sera achevé ; le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds » (2nd lect.).
« Marie, je te demande d’aider les croyants à être les sentinelles de l’espérance qui ne déçoit pas, et à proclamer sans cesse que le Christ est vainqueur du mal et de la mort. Illumine, ô Femme fidèle, l’humanité de notre temps afin qu’elle comprenne que la vie de tout homme ne finit pas dans une poignée de poussière, mais est appelée à un destin d’éternel bonheur. Marie, qui es la “joie du ciel et de la terre”, veille et prie pour nous et pour le monde entier, maintenant et toujours. Amen ! » (Jean-Paul II)